Prévention de la délinquance - "Retourner dans le droit commun, oui mais comment?"

Publié le jeudi 21 février 2019
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Trésor Kaya revient de loin, lui aussi. Sorti de dix années de guerre civile, il a vécu ensuite en France l’expérience de la rue, des squats et des foyers puis de l’incarcération. Pour ce jeune, «le quartier c’est une prison mentale. On est enfermé dans des milieux avec des jeunes qui sont comme vous et qui pensent comme vous». L’espace Césame lui a permis de découvrir un autre monde et de prendre du temps pour lui. Comme il le relate, « J’étais un jeune qui n’avait pas eu le temps de penser. » Avec Césame , « je suis arrivé dans un endroit où je pouvais me poser avec des gens normaux. J’ai fait des activités que je ne pensais pas pouvoir faire (Opéra, théâtre, slam etc.). J’ai eu une nouvelle façon de voir les choses qui m’a donné envie de voir plus grand. » (...) « C’est important de dire aux jeunes qu’ils peuvent rêver, cela signifie beaucoup de choses pour eux.» Aujourd’hui, Trésor Kaya est comédien et a monté une agence de communication.

 

A l'occasion de la Commission nationale Justice des Enfants et des Adolescents des 13 et 14 décembre dernier, une table ronde intitulée "Retourner dans le droit commun, oui mais comment?" a permis d'échanger et de recueillir des témoignages pour répondre à cette question.

 

Sortir enfin de la protection de l’enfance en danger et/ou délinquante ! C’est l’objectif de chacun des jeunes pris en charge que ce soit par l’ASE ou par la PJJ. Mais comment accompagner de manière effective ces adolescents fragiles vers le droit commun, un droit commun choisi et non subi ?
Voici les questions auxquelles les participants de notre dernière table ronde ont été invités à répondre.

En préambule du débat, Jeanne Clavel, Présidente de la Commission nationale Justice des Enfants et des Adolescents évoque les derniers chiffres publiés par l’INSEE, des chiffres sans équivoques. En 2012, 23 % des personnes privées de logement en France sont d’anciens enfants placés, alors qu’ils ne représentent que 2 à 3 % de la population générale. La première période de rue survient pour 21 % d’entre eux pendant le placement, et pour 11 % à la fin de la prise en charge, sans que l’on sache s’il y a eu une aggravation de ce phénomène depuis quelques années, ni même si cette errance provient des difficultés de vie ou d’insuffisances institutionnelles.

 

 


Nathalie GUIMARD, Cheffe de Service de la suite éducative du Foyer les Amandiers-Belleville de l’association Jean Cotxet revient sur la sortie du dispositif
et sur la notion de projet de vie

Nathalie Guimard, Cheffe de service de la suite éducative du Foyer les Amandiers-Belleville de l’Association Jean Cotxet remarque que tous les jeunes majeurs dont le service à la charge ont aujourd’hui un projet professionnel, ce qui n’était pas le cas auparavant. Aussi comment ne pas s’interroger sur le devenir de ceux qui n’ont pas de projets. Où ces jeunes sont-ils donc passés ?

Par ailleurs, Nathalie Guimard constate de fortes différences de maturité avec des besoins d’accompagnement très spécifiques en fonction des jeunes pris en charge et ce qu’ils aient 18 ou 21 ans. Au sein des Amandiers, certains jeunes, bien intégrés avec un réseau social solide et extérieur au service, vont pouvoir utiliser les contrats jeunes majeurs de manière efficiente, tellement efficiente que l’apport éducatif parait ici presque secondaire. D’autres vont avoir besoin de plus de temps et d’un accompagnement notamment affectif et éducatif plus important. Aussi, la question de l’âge de sortie ne devrait pas se poser. Pour la cheffe de service « Les Tanguis de la protection de l’enfance, cela n’existe pas. Tous les jeunes ont envie de quitter l’ASE. Si on leur laisse plus de temps, ils peuvent partir de nos structures avec une vraie sécurité intérieure. Il faut respecter leur temporalité ».

 

Les jeunes sortant de l’ASE se retrouvent bien souvent confrontés à des problématiques financières. Le Directeur Général Adjoint chargé de la solidarité du Conseil Départemental du Val d’Oise, Laurent Schleret, indique qu’il ne peut désormais dépasser l’enveloppe budgétaire limitative de plus 1,2% sous peine de lourdes amendes.

Il faut donc coûte que coûte circonscrire les dépenses et trouver des solutions moins coûteuses pour les plus de 18 ans comme les services appartement ou les Foyers de Jeunes Travailleurs. Résultat, ces recherches d’économie permettent de prendre en charge davantage de jeunes majeurs qu’il y a deux ans dont certains peuvent être accompagnés jusqu’à leurs 22 ans.
De même, certains grands adolescents considérés comme plus fragiles peuvent rester au-delà de leurs 18 ans dans leur structure d’accueil initiale.
Le Conseil départemental souhaite travailler au cas par cas. Sur la question de l’insertion, s’il n’y a pas d’interdit sur les secteurs d’activité, il est vrai que les équipes du Conseil départemental encouragent les jeunes à aller dans des études courtes pouvant être réalisées dans le temps limité de la prise en charge. L’orientation professionnelle est donc ici plus subie que choisie, laissant peu de place aux rêves.

 

Laurent SCHLERET, Directeur Général Adjoint chargé de la solidarité du Conseil Départemental du Val d’Oise relate l’accompagnement des sortants d’ASE
dans le département du Val d’Oise

 

Pour la Juge des enfants Brigitte Verger, le passage à la majorité peut même être vécu comme un déclencheur surtout s’agissant des jeunes dits à tort « irrécupérables » : « Il y a des réveils qui se passent notamment dans le cadre de la mise sous protection judicaire au pénal. C’est extraordinaire de voir un jeune, a priori si délinquant qu’on pense ne jamais arriver à l’en sortir, se transformer au passage à la majorité. (...). Pour certains, c’est un virage à 180 degrés. Ce changement radical va de pair avec la liberté de choisir et de s’engager volontairement dans la prise en charge ».

Brigitte VERGER, Juge des Enfants au Tribunal de Grande Instance de Pontoise
explique les bénéfices des mesures de mise sous protection judiciaire et de réparation pénale

 

La sécurité intérieure, nul doute que Sonia Rajendirane l’a trouvée. Cette jeune femme, ancienne stagiaire de l’espace dynamique d’insertion CESAME de la Sauvegarde du Val d’Oise a pu grâce à cet accueil prendre sa vie en main. Comme elle nous le relate : "J’ai arrêté mes études après des problèmes familiaux. Fermée et timide je ne savais plus quoi faire de ma vie. A CESAME, j’ai fait des activité diverses et variées qui m’ont permis de m’ouvrir et de croire en mes rêves. J’ai pu trouver un projet professionnel dans les finances publiques et renouer avec mes parents."

L’Histoire d’Aboubacar Camara est différente mais relève de ce même besoin de reprendre pied et de croire en ses rêves et en ses possibilités. Envoyé à 11 ans au Mali par son père, Aboubacar Camara a travaillé dans les champs jusqu’à ses 18 ans avant de revenir en France. Totalement désœuvré, il est resté un an à trainer dans le quartier, recevant nombre de propositions d’argent facile dont certaines qu’il a acceptées avant de se ressaisir rapidement. "Le quartier nous décourage et on rentre dans un cercle vicieux(...) En fait quand on reste dans le quartier enfermé on se gangrène et on fait pareil que tout le monde. Moi Je ne voulais pas rester enfermé" témoigne le jeune homme. Aboubacar Camara a donc accepté d’aller à l’espace Césame comme le lui a proposé son assistance sociale. Il y a rencontré des gens très différents de lui. Après une première appréhension, il s’est rapidement ouvert aux autres, et s’est découvert une passion pour le théâtre. Il est aujourd’hui en dernière année de conservatoire.

 

 

Trésor Kaya revient de loin, lui aussi. Sorti de dix années de guerre civile, il a vécu ensuite en France l’expérience de la rue, des squats et des foyers puis de l’incarcération. Pour ce jeune, «le quartier c’est une prison mentale. On est enfermé dans des milieux avec des jeunes qui sont comme vous et qui pensent comme vous». L’espace Césame lui a permis de découvrir un autre monde et de prendre du temps pour lui. Comme il le relate, «J’étais un jeune qui n’avait pas eu le temps de penser.». Avec Césame, «je suis arrivé dans un endroit où je pouvais me poser avec des gens normaux. J’ai fait des activités que je ne pensais pas pouvoir faire (Opéra, théâtre, slam etc.). J’ai eu une nouvelle façon de voir les choses qui m’a donné envie de voir plus grand.» (...) «C’est important de dire aux jeunes qu’ils peuvent rêver, cela signifie beaucoup de choses pour eux.» Aujourd’hui, Trésor Kaya est comédien et a monté une agence de communication.

 

 

 


Retour sur la Commission nationale Justice des Enfants et des Adolescents des 13 et 14 décembre 2018 : travaux, témoignages, interviews...

L'ODAS et les enjeux de la journée Citoyenne

Prévention de la délinquance - "Retourner dans le droit commun, oui mais comment?"Thu Feb 21 2019 17:42:49 GMT+0100 (heure normale d’Europe centrale)
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