Dossier spécial - Justice Restaurative : comprendre le concept et les différentes pratiques

Publié le vendredi 20 décembre 2019
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Le 22 novembre 2019, Citoyens & Justice co-organisait avec l’ARCA une journée sur la thématique de la Justice Restaurative. Cet événement s’inscrit dans le cadre de la semaine internationale pour la Justice restaurative, initiée par le Forum Européen pour la Justice Restaurative (EFRJ) dont Citoyens & Justice est membre.

 

 

Cette semaine était l’occasion de porter la justice restaurative au niveau international, grâce aux acteurs la mettant en œuvre dans différents pays: France, Allemagne, Belgique, Canada, Italie, Mexique, Grèce, Irlande... Plus de 60 événements ont été organisés durant ce temps.

Citoyens & Justice a organisé cette journée à l’IUT Bordeaux Montaigne, où la salle «pleine à craquer» a démontré l’intérêt grandissant du public pour cette justice. Cette semaine a été l’occasion de faire découvrir la justice restaurative à de nouveaux publics. Durant cette journée, Citoyens & Justice a souhaité aborder les origines de la justice restaurative, les textes législatifs français, les divers acteurs sur le territoire français la mettant en oeuvre, les différentes mesures de Justice restaurative etc. 

 

Ouverture par Marielle Thuau, présidente de Citoyens & Justice

 

Marielle Thuau, présidente de Citoyens & Justice, a remercié le public ainsi que les intervenants d’avoir répondu positivement à l’invitation de la fédération et d’être venus partager leurs connaissances et leurs expériences.

La présidente a rappelé le long compagnonnage de Citoyens & Justice avec la justice restaurative. Dès 1985, la fédération (CLCJ à l’époque) s’était intéressée à la médiation et à la restauration pénale qu’elle développera au sein de son réseau à la fin des années 90 (notamment après l’élaboration d’un guide méthodologique). Après avoir participé à un groupe de travail au sein du CNAV en 2006, Citoyens & Justice a été retenue par la commission européenne en 2009 et 2010 afin d’expérimenter, en tant que projet de justice restaurative, un programme sur la médiation pénale à toutes les phases de la procédure.

La Fédération a ensuite piloté une recherche-action confiée à l’ARCA (2016-2017) sur la justice restaurative au sein des associations socio judiciaires. Elle a parallèlement organisé deux conférences européennes, au cours desquelles sont intervenus des experts européens.

 

Carte blanche à Katerina Soulou, Grand témoin de la journée

Katerina Soulou, Doctorante de l’Université d’Aix-Marseille, membre du Conseil d’Administration du EFRJ, était le grand témoin de cet événement. Elle a eu carte blanche pour introduire la journée. Elle a présenté la justice restaurative au travers d’exemples variés, les origines du concept, les années 70 où le terme apparaît en criminologie, notamment par des criminologues anglo-saxons.

Katerina Soulou a expliqué aussi que la justice restaurative est à l’opposé de la logique répressive mise en place dans nos sociétés actuelles : elle a précisé que la justice restaurative est la proposition d’une responsabilisation active, tandis que la logique répressive et punitive se base sur une responsabilisation passive (soit l’enfermement). Katerina Soulou a également parlé des deux approches différentes dans le mouvement restauratif : l’approche maximaliste et l’approche minimaliste.

En fin d’intervention, le film "Re-storying a terrorist tragedy : The encounter" a été projeté. Cette pièce de théâtre adaptée en film est le fruit d’une collaboration entre Katerina Soulou et une troupe de théâtre d’Athènes. Ce film a ensuite été lancé par le forum européen pour la justice restaurative afin de sensibiliser le grand public.

 

 

Quelle politique du ministère de la justice en matière de justice restaurative ?

Représentant le ministère de la Justice, Claire Strugala, Magistrate, actuellement Rédactrice au BAVPA (Bureau de l’Aide aux Victimes et de la Politique Associative), a défini le cadre réglementaire et légal de la justice restaurative en France.

Elle a abordé la circulaire du 15 mars 2017, les différentes mises en œuvre, les particularités en pré sententiel et en post sententiel, l’accessibilité aux auteurs ou victimes au processus de justice restaurative, la confidentialité des échanges etc.

Claire Strugala a aussi annoncé l’édition d’un guide méthodologique élaboré par le comité national de justice restaurative au cours de l’année 2020. Ce guide reprendra le cadre réglementaire et législatif de la justice restaurative de manière pratique et permettra d’avoir un socle commun et de développer une vision commune (mineurs, pénitentiaire, DACG, associatif), et méthodologique.

 

 

 

Quelle politique de formation pour le déploiement de la justice restaurative
au sein de l'Ecole Nationale de l'Administration Pénitentiaire (Enap) ?

La justice restaurative pouvant être mise en œuvre par les services pénitentiaires, l’École nationale de l’administration pénitentiaire (Enap) a intégré à ces formations des modules concernant la Justice restaurative à partir de 2015 afin de former les personnels pénitentiaires.

Paul Mbanzoulou, Directeur de la recherche de la documentation et des relations internationales et Séverine Bouchet, Responsable de formation au département probation et criminologie et Chargée de mission relations internationales nous ont présenté la politique de formation de l’Enap en matière de justice restaurative ainsi que ces différents modules. Ceux-ci s’exercent soit en formation continue, soit en formation initiale (dans le cadre d’une sensibilisation auprès des élèves). Séverine Bouchet a notamment abordé les protocoles mis en place sur les « mesures » de justice restaurative qui permettent de créer un espace sécurisé pour les participants. 

 

La justice restaurative : quelle place aujourd'hui dans le système pénal des mineurs en France ?

Jessica Filippi a tout d’abord rappelé quelques éléments de contexte et notamment le processus d’expérimentation souhaité par la PJJ via des appels à projets qui ont permis de retenir 10 sites dans le cadre d’un appel à projet national. Différentes définitions et optiques de la justice restaurative présentes dans la littérature scientifique ont été présentées, définitions qui s’articulent autour du processus de justice restaurative, de la finalité ou de ces deux éléments (Marshall, Moore et Walgrave, Zehr) . Il a été rappelé qu’au-delà de ces définitions, il y a des tensions dans les différents courants notamment s’agissant de la contrainte qui, pour les maximalistes peut avoir un rôle restaurateur.Jessica Filippi, Chercheure en droit et criminologie à l’Ecole Nationale de la Protection Judiciaire (ENPJJ) de la Jeunesse a parlé des expérimentations de la justice restaurative mises en place par l’ENPJJ, avant et après la circulaire de 2017. En tant que Chercheure, Jessica Filippi s’est notamment attachée à mettre en exergue quel serait l’impact d’une justice restaurative maximaliste sur la justice des mineurs.

Suite à cet état des lieux des modèles maximalistes et puristes de la justice restaurative, Jessica Filippi a « projeté » ces modèles théoriques dans les cadres légaux actuels.

Il a notamment été souligné que les premières pages de la circulaire du 15/03/2017 étaient orientées sur les finalités de la Justice restaurative, ce qui confère au texte une approche maximaliste. En revanche, la justice restaurative est aussi présentée dans la circulaire selon son processus volontaire, confidentiel et autonome vis-à-vis de la procédure pénale, ce qui constitue de ce point de vue une approche puriste. Ce choix d’aborder ainsi la justice restaurative dans la circulaire est, selon une hypothèse formulée par Jessica Filippi, une manière de se détacher des temporalités judiciaires et des modalités d’intervention de la justice pénale des mineurs qui pourrait affecter le processus de la justice restaurative qui s’inscrit dans la temporalité des personnes.

Pour conclure, Jessica Filippi a mis en perspective la justice restaurative du futur code de la justice pénale des mineurs avec les recommandations issues des textes européens et internationaux en matière de justice restaurative.

La criminologie positive au service de la justice restaurative : comment passer d'une approche théorique à une déclinaison pratique ?

Pour introduire son propos, Erwan Dieu, Dr en psychologie, Criminologue et Co directeur de l’ARCA, a abordé la criminologie positive, la justice restaurative, et les modèles qui se développent :

  • ceux qui proposent une finalité comme la désistance,
  • ceux qui proposent des méthodologies d’interventions comme le Good Lives Models.

A la suite de cette introduction, le focus a été fait sur « qu’est-ce que la réparation », avec des exemples illustrés permettant de mieux comprendre ce processus.

 

La justice restaurative en Europe : Quelques exemples significatifs...

Pour clôturer la matinée, Katerina Soulou a présenté le forum européen pour la justice restaurative, à l’initiative de la semaine internationale dédiée à la justice restaurative. L’organisation, créée en 2000, est un réseau international composé de chercheur, d’organisations et de décideurs politiques dont le but et d’aider, de soutenir, de promouvoir et de développer les pratiques restaurative en Europe.

Katerina Soulou a exposé les résultats d’une recherche qui a été lancée dans 36 pays européens datant de 2015 et portant sur la justice restaurative au sein de ces pays (cadre législatif, pratiques dominantes…). Citoyens & Justice est membre à part entière du Forum Européen pour la Justice Restaurative.

 

 

Les conditions d'une mise en oeuvre réussie

L’après-midi a repris avec l’intervention de Véronique Dandonneau, Chargée de projets – Juriste à Citoyens & Justice, qui a tout d’abord présenté en quelques mots la fédération et le lien qu’elle a avec la justice restaurative (la médiation pénale dans les années 80, les recherches-actions au sein de la fédération etc.).

Elle a ensuite exposé ce qui a été identifié comme point d’appui et levier pour optimiser la mise en œuvre de la justice restaurative. Ces constats proviennent des pratiques mises en œuvre par les associations adhérentes de Citoyens et Justice (par les salariés/équipes formées) et plus spécifiquement des attentes et retours des personnes (auteurs et victimes) ayant participé à un processus restauratif. Ce dernier point est capital : il permet aux professionnels de mieux appréhender la justice restaurative, et donc de mieux la promouvoir auprès des partenaires et des potentiels bénéficiaires.

Un autre point d’appui de la mise en œuvre de la justice restaurative est la mobilisation de l’ensemble des équipes, et l’importance de la formation de manière collective et non individuelle. La mise en place d’un processus restauratif demande aussi, de la part des travailleurs sociaux, un changement de posture professionnelle : le seul objectif du professionnel est de permettre l’ouverture d’un espace de communication possible, en intégrant le fait que la justice restaurative ne répondra pas aux attentes de tous. 

 

Une approche concrète des différentes formes de justice restaurative illustrées par des situations

Les rencontres détenus victimes

par Olivia Mons, Directrice de la communication et du développement de France Victimes

Olivia Mons a présenté en quelques mots la fédération France Victimes, qui a pour objet d’apporter une aide et un soutien aux victimes d’infractions, sur mandat du ministère de la Justice, via ses associations adhérentes (132 sur l’ensemble du territoire).

Elle a témoigné des premières rencontres détenus/ victimes (RDV) en prison à la centrale de Poissy, ainsi que les différentes expérimentations auxquelles a participé France Victimes. Ces RDV sont des rencontres groupales, composées de 3 auteurs et 3 victimes qui ne se connaissent pas, mais dont l’infraction est similaire. Elle a abordé la manière dont ces rencontres se déroulent, les interactions entre les individus, l’impact pour les professionnels et ce qui ressort plus généralement de ces RDV.

 

 

La médiation restaurative directe ou indirecte
par Stéphanie DAVID, Éducatrice en Unité Éducative de Milieu Ouvert, Direction Territoriale de la PJJ de l’Essonne

Stéphanie David a présenté la mise en place de la justice restaurative au sein de l’UEMO (Unité Éducative en Milieu Ouvert) de Juvisy-sur-Orge. Le point de départ a été la motivation individuelle et les convictions personnelles de certains éducateurs vis-à-vis du bénéfice que pouvait apporter la justice restaurative.

Après un premier module de formation au sein de l’ENPJJ, l’équipe a pu élaborer un projet expérimental sur la médiation pénale auprès de mineurs dès mars 2017, puis s’orienter vers la médiation restaurative grâce à des formations complémentaires.

 

Des formes « atypiques » de justice restaurative à travers une approche collective
par Odile Desquiret, directrice du pôle socio judiciaire d’Espérer 95

Odile Desquiret a présenté la manière dont ESPERER 95 a mis en oeuvre une action de justice restaurative suite à l’expérimentation dans le cadre de la recherche action initiée entre Citoyens & Justice et l’ARCA.

L’association a décidé d’expérimenter un outil issu de cette recherche action au cours d’un stage à destination d’auteurs de violences conjugales. Ce stage est un module collectif à visée éducative et préventive qui permet de présenter aux participants des repères éducatifs généraux concernant les violences conjugales et intra familiales.

Odile Desquiret a présenté les chiffres issus de l’évaluation du stage ainsi que quelques appréciations de participants.

 

Les différents cercles restauratifs
par Erwan Dieu, criminologue et co-directeur de l’ARCA

Erwan Dieu a tout d’abord répondu à certaines questions posées sur le temps du déjeuner. A la suite de ces questions/ réponses, il a abordé la Médiation Auteur Victime Indirecte (MAVI) via un support vidéo.

Il a ensuite exposé deux dispositifs constituant des cercles restauratifs :

  • Le cercle de soutien de responsabilité
  • Le programme de parrainage de désistance

 

Justice restaurative et mineurs :
une expérimentation nationale portée par la Protection Judiciaire de la Jeunesse

Retour du comité de pilotage national de suivi des expérimentations
par Agathe Muriot, Rédactrice au bureau des méthodes et de l’action éducative de la DPJJ

Agathe Muriot a fait un retour sur l’expérimentation nationale menée par la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse sur la Justice restaurative auprès des mineurs. Cette expérimentation se déploie sur l’ensemble des Directions Inter Régionales qui ont chacune fait remonter un projet.

 

L’expérimentation lancée début 2019 s’inscrit dans la continuité des travaux qui ont été menés à la DPJJ avec des représentants du secteur associatif et des organismes de formation. Un comité de pilotage a été instauré afin de suivre l’évolution sur les territoires de ces expérimentations, dont Citoyens & Justice fait partie. Enfin, la justice restaurative est désormais inscrite dans le code de justice pénale des mineurs, ce qui témoigne de l’intérêt que la Protection Judiciaire de la Jeunesse porte aux dispositifs restauratifs.

 

 

Témoignage du projet Bordelais, inscrit dans l’expérimentation nationale
par Sophie Benoit, Conseillère technique territoriale, DTPJJ Aquitaine nord,
Katia Gaitée, Responsable du service de réparation pénale des mineurs, Association laïque du Prado,
Damien Darnauzan, Directeur du service d’aide aux victimes, Association laïque du Prado

Sophie Benoit a présenté l’expérimentation mise en œuvre par la Protection Judiciaire de la Jeunesse sur le territoire Aquitaine nord. La Direction territoriale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse a souhaité suivre l’Association laïque du Prado et s’associer au projet pour la mise en œuvre de la justice restaurative. La DTPJJ Aquitaine nord s’est lancée dans l’expérimentation en début d’année 2019, a constitué un comité de pilotage avec les magistrats des juridictions de Bordeaux et Libourne. Le projet porte sur les auteurs et victimes d’infractions à caractère sexuel.

L’Association Laïque du Prado, soutenue par Citoyens & Justice,  a répondu dans le courant de l’été 2018 à l’appel à projet lancé par la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. L’association a fait le choix de proposer un projet portant sur les auteurs et victimes d’infractions à caractère sexuel. L’association a repéré en 2017 et 2018 une augmentation des mesures de réparation pour ces typologies d’infractions.

Aussi, proposer une réponse complémentaire en s’appuyant sur une dynamique restaurative permettait de proposer, aux auteurs comme aux victimes, un nouveau type de réponse. Katia Gaitée et Damien Darnauzan ont exposé ensuite la manière dont cette expérimentation s’est mise en place :

  • formation des équipes,
  • mise en place de processus,
  • informer et communiquer sur la justice restaurative,
  • mise en situation...

 

 

La Fédération remercie les intervenants et les participants d'avoir été aussi nombreux lors de cet événement.
Continuons, ensemble, à promouvoir la justice restaurative !

 

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